Dominican Order

Le texte de Marc proposé pour notre méditation indique quelques attitudes importantes à prendre en compte dans l'exercice de notre prédication. La première est suggérée par la mention liminaire du texte, à savoir: «(Jésus) appelle à lui ceux qu'il voulait». L'appel des disciples dépend entièrement ici de la volonté souveraine de Jésus. Jésus appelle comme Dieu appelle et la réponse à sa sollicitation est sans délai. Il y a là comme un rappel à considérer la tâche de la prédication non pas comme un mérite mais comme une grâce divine à accueillir dans l'humilité et la crainte de Dieu. Dans l'exercice de notre charge de prédication, il nous arrive souvent de mettre en avant nos propres compétences ou savoir-faire, oubliant que nous ne sommes que des serviteurs inutiles, entièrement redevables de la grâce de Dieu. De cette grâce divine, saint Paul en a fait une vive expérience dans sa vie d'apôtre, tel qu'il le confesse lui-même: «C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n'a pas été stérile» (1 Co 15, 10). Il y a lieu de toujours faire nôtre cette expérience déterminante de saint Paul dans notre ministère de prédication.


Une autre attitude importante à prendre en compte est la vie d'intimité avec Jésus. Comme l'indique l'évangéliste: «Il en institua Douze pour être ses compagnons». Les Douze ont été institués pour être avec Jésus et partager avec lui une vie d'intimité par laquelle ils se laisseront instruire en permanence, de sorte que nourris de sa Parole de vie, ils soient capables d'en être des témoins vivants dans le monde. Cette vie de compagnonnage avec Jésus semble être ce qui marqua profondément l'expérience de saint Dominique, lui qui ne parlait que de Dieu et avec Dieu. Elle est aussi ce qui fonde notre vie contemplative, ce qui la nourrit et rend féconde notre prédication. Pour que nous parvenions à être des prêcheurs de la miséricorde de Dieu, il nous faut apprendre à devenir de vrais compagnons de Jésus.

Seigneur Jésus, toi qui instituas les Douze pour être tes compagnons et pour les envoyer prêcher, donne-nous de toujours chercher à vivre avec toi l'intimité profonde qui ravive notre foi et provoque en nous l'élan pour la prédication. Nous te le demandons, toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles. Amen.

La page d'évangile proposée aujourd'hui à notre méditation focalise notre attention sur l'institution des Douze. Dans la section de Mc 1, 16-20, il était déjà question de l'appel des premiers disciples de Jésus, mais dans la présente section, l'appel atteint un autre niveau: les "appelés" constituent désormais un groupe spécial devant non seulement suivre Jésus, comme les autres disciples, mais surtout être avec lui, de manière à être envoyés prêcher. C'est surtout en Mc 6, 12-13 qu'on les voit en pleine activité, exerçant leur ministère de prédication. L'institution des Douze se présente donc ici comme une section qui prépare l'envoi du même groupe en mission (Mc 6, 6b-13). Elle se situe dans un grand ensemble portant sur la mission de prédication de Jésus en Galilée, mission à laquelle sont associés de façon particulière les Douze (Mc 3, 7 - 6, 56).

La question qui surgit d'entrée de jeu est la suivante: pourquoi Jésus préconise-t-il le chiffre douze quant au choix de ses proches collaborateurs? Le chiffre douze fait référence aux douze tribus d'Israël, notamment à l'espérance relative à la restauration du Peuple d'Israël à la fin des temps. La restauration du peuple de Dieu avait déjà été annoncée par les prophètes (cf. Is 44, 21-28; 49, 6-23; 60, 1-22), et l'institution des Douze en est un début de réalisation. Les explications de Jésus concernant le rôle déterminant que joueront dans les derniers temps ceux qui l'ont suivi (cf. Mt 19, 28) confirme bien cette idée.

Un autre élément important à prendre en considération dans le texte de Marc est le changement de nom que subissent certains des "appelés": Simon reçoit le nom de Pierre (du grec petra qui signifie roc, fondation). Il en est de même pour Jacques et Jean qui reçoivent le nom de Boanergès, c'est-à-dire fils du tonnerre. Ce changement de nom trouve son sens dans la tradition juive où le nouveau nom donné à quelqu'un marque dans sa vie l'acquisition d'une nouvelle position ou d'un nouveau statut, comme ce fut le cas pour Abraham (Gn 17, 5) et Jacob (Gn 32, 29). Dans le cas spécifique des disciples mentionnés, Pierre est appelé à jouer désormais le rôle de roc ou de fondation pour le nouveau Peuple de Dieu que Jésus entend établir (Mt 16, 18). Les deux disciples Jacques et Jean, en lien avec Pierre, constitueront aussi un groupe privilégié que Jésus pourra faire participer à certains événements exceptionnels de sa vie (cf. Mc 5, 37; 9, 2; 14, 33).